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La marée rose : le virage à gauche de l'Amérique latine

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Hugo Chávez (Venezuela), Evo Morales (Bolivie), Lula Da Silva (Brésil) y Rafael Correa (Equateur)

La marée rose, ou le virage à gauche de l’Amérique latine, est une expression qui désigne la vague de victoires de candidats de gauche aux élections présidentielles de plusieurs pays d'Amérique latine au début du XXIe siècle. On considère d'ailleurs que cette vague a débuté en 1998, avec la victoire de Hugo Chávez aux élections présidentielles vénézuéliennes. Lorsqu'il fut élu, la gauche n'était au pouvoir qu'à Cuba dans la région.


Au cours des années suivantes, plusieurs pays latinoaméricains ont vu leur gouvernement basculer à gauche.


Virage à gauche en Amérique latine - Victoires des candidats de gauche

Pays

Candidat

Année

Venezuela

Hugo Chávez

1998

Brésil

Lula Da Silva

2002

Argentine

Néstor Kirchner

2003

Uruguay

Tabaré Vázquez

2004

Bolivie

Evo Morales

2005

Équateur

Rafael Correa

2005

Nicaragua

Daniel Ortega

2006

Chili

Michelle Bachelet

2006



En 2009, près de 70 % de la population latino-américaine vit sous un gouvernement de gauche[1].


Le virage à gauche de l’Amérique latine marque la fin du Consensus de Washington et la mise en lumière des limites des politiques néolibérales mises en œuvre par les différents gouvernements de droite. L'objectif principal de cette gauche en Amérique latine est de réduire les inégalités sociales, notamment provoquées par les politiques d’austérité du Consensus de Washington. La gauche cherche, entre autres, à redistribuer la richesse, à lutter contre la pauvreté et à déconstruire les hiérarchies sociales.


Il est important de préciser que toutes les gauches ne se ressemblent pas, elles n’avaient pas les mêmes influences ni les mêmes objectifs dans tous les pays latinoaméricain. Par exemple, la gauche d'Hugo Chávez au Venezuela est une gauche davantage « radicale » et populiste, alors que celle Michelle Bachelet au Chili ou de Lula da Silva au Brésil est une gauche sociale-démocrate, dite « modérée ».


Pourquoi l’appelle-t-on la marée rose ?


En Amérique latine, le rouge est généralement associé à la gauche radicale, notamment au communisme. Le rose, qui est en réalité une nuance de rouge moins intense, représente donc une gauche plus modérée, social-démocrate et moins radicale/révolutionnaire, capable d'accepter le modèle capitaliste et l'économie de marché, contrairement au communisme et aux autres idéologies d'extrême gauche.


Comment expliquer ce virage à gauche ?


La marée rose en Amérique latine coïncide avec la fin de la guerre froide et un faible intérêt pour les Etats-Unis de vouloir maintenir à tout prix des gouvernements de droite dans cette région puisque la menace soviétique est écartée. 


En outre, les années 1980 et 1990 en Amérique latine constituent une période de transitions démocratiques pour beaucoup de pays, transitions mises en œuvre par la droite modérée, qui n’a pas réussi à créer l’Etat-providence pourtant promis aux populations les plus vulnérables. Cela a pu pousser les citoyens à se tourner vers une alternative à gauche. 


L’échec du modèle économique antérieur serait également un facteur explicatif de ce virage à gauche. Les politiques néolibérales du Consensus de Washington impliquèrent une réduction du rôle de l'État dans l'économie, la dérégulation des marchés, la privatisation des entreprises nationales et la libre circulation des capitaux, ce qui a eu pour effet à long terme de ralentir la croissance économique dans la région et d'accroître la pauvreté, le chômage et les inégalités. Avec le Consensus de Washington, plusieurs pays ont connu des crises de la dette comme le Mexique dans les années 1980. Le secteur informel explose à la fin du XXe siècle en raison des privatisations à grande échelle et du démantèlement des entreprises publiques créées dans les années 1960 et 1970 avec la politique de l'ISI.



L’ère du « post-néolibéralisme » :


Comme mentionné précédemment, la marée rose est principalement constituée de gauches progressistes (sauf au Venezuela) qui n'étaient en réalité pas contre le capitalisme, mais qui cherchaient plutôt à mettre en œuvre un nouveau modèle de développement fondé sur la croissance économique, des politiques sociales et la démocratie. 


Plusieurs experts utilisent le terme de « post-néolibéralisme » pour qualifier l’ère post-Consensus de Washington, expliquant que malgré quelques changements, la gauche n’a pas complètement abandonné le modèle capitaliste. À l'exception du Venezuela, les gouvernements de gauche d'Amérique latine ont renforcé leur intégration au marché international au début du XXIe siècle.[2].  


Dans la littérature académique, certains auteurs expliquent que l'idée de post-néolibéralisme ne se réfère pas seulement à l’économie, mais inclut également la réorientation de la politique étrangère des gouvernements. L'ère post-néolibérale est associée aux processus d’intégration régionale (régionalisme) entrepris par les pays de la région, notamment pour proposer une alternative à la dépendance historique envers les États-Unis. Plusieurs organisations régionales ont été créées comme l’UNASUR, la CELAC et l'ALBA.


D’autres auteurs soutiennent que le terme « post-néolibéralisme » ne reflète pas assez les changements survenus et le programme progressiste des gouvernements de gauche qui sont tout de même bien différents des gouvernements précédents. La gauche a redonné de l’importance à l’État constituant  une rupture avec l’ancien modèle qui ne devrait pas être oubliée.


Quels changements concrets la gauche latino-américaine a-t-elle apporté ?


Concrètement et rapidement, voici ce que la gauche a fait :

  • Nationaliser plusieurs entreprises, notamment dans des secteurs stratégiques comme le secteur pétrolier.

  • Mettre en œuvre des programmes sociaux pour les populations défavorisées, comme la célèbre « Bolsa Familia » au Brésil.

En matière de réduction de la pauvreté, les gouvernements de gauche ont obtenu des résultats plutôt positifs. Il convient toutefois de préciser que ces résultats ne sont pas seulement dus aux politiques mises en œuvre, mais aussi à un contexte économique international favorable. La gauche arrive au pouvoir au moment du supercycle des matières premières, une période durant laquelle les prix des matières premières ont flambé, bénéficiant à de nombreux pays latinoaméricains exportateurs.


Enfin, de nouvelles classes moyennes sont apparues. Elles sont principalement composées de travailleurs qui, grâce à leur travail et aux politiques sociales, ont atteint un niveau de revenus leur permettant de consommer davantage et d'épargner. Cependant, cette classe moyenne reste fragile, car peu de foyers sont propriétaires et nombreux sont ceux qui cumulent deux emplois ou font des heures supplémentaires. 


Le nouveau virage à gauche

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Gustavo Petro (Colombie), Gabriel Boric (Chili), Xiomara Castro (Honduras) y Andrés Manuel López Obrador (Mexique)

Après une période conservatrice au milieu des années 2010, l’Amérique semble avoir basculé de nouveau à gauche à partir de 2018, avec l'arrivée, par exemple, d'AMLO au Mexique cette année-là, Gustavo Petro en Colombie en 2022 (le premier président de gauche en Colombie depuis 200 ans), Gabriel Boric au Chili, ou encore le retour de Lula da Silva au Brésil en 2023. Cette nouvelle gauche est très différente de la première vague rose tout comme le contexte politique et économique. Les candidats de gauche comme Lula au Brésil ou Gustavo Petro en Colombie ont d’ailleurs remporté les élections de peu, les résultats ont été très polarisés.


Si vous souhaitez en savoir plus sur le nouveau virage à gauche de l’Amérique latine, je vous invite à lire mon article : « Quels facteurs économiques et sociaux expliquent le nouveau virage à gauche de l’Amérique latine ? »


En 2025, le panorama politique de l’Amérique latine est plus hétérogène notamment avec l'arrivée de présidents de centre-droit ou d'extrême droite comme Javier Milei en Argentine et Daniel Noboa en Équateur. L'impopularité de Gustavo Petro en Colombie laisse présager que la gauche aura du mal à remporter les élections générales de 2026. La forte polarisation dans les pays d'Amérique latine rend incertain le futur politique de la région. 


[1] Aldo Adrián Martínez-Hernández et al., « El giro a la izquierda en los parlamentos latinoamericanos. ¿Cuándo y cómo se dio? », Política y gobierno 26, no 1 (juin 2019): 93‑115, http://www.scielo.org.mx/scielo.phpscript=sci_abstract&pid=S166520372019000100093&lng=es&nrm=iso&tlng=s.


[2]  Jorge Lazo Cividanes et Miguel Rojas, « ¿Después del radicalismo la sensatez?: El giro a la izquierda y la política económica en América Latina », Revista de Ciencias Sociales 14, no 3 (décembre 2008): 496‑512, http://ve.scielo.org/scielo.php?script=sci_abstract&pid=S1315-95182008000300006&lng=es&nrm=iso&tlng=es.


Bibliographie:


« El giro a la izquierda en la América Latina del siglo XXI: Revisitando los debates académicos ». Consulté le 9 juin 2025. https://ri.conicet.gov.ar/handle/11336/50742.

Lazo Cividanes, Jorge, et Miguel Rojas. « ¿Después del radicalismo la sensatez?: El giro a la izquierda y la política económica en América Latina ». Revista de Ciencias Sociales 14, no 3 (décembre 2008): 496‑512. http://ve.scielo.org/scielo.php?script=sci_abstract&pid=S1315-95182008000300006&lng=es&nrm=iso&tlng=es.

Levitsky, Steven, et Kenneth M. Roberts. The Resurgence of the Latin American Left. JHU Press, 2011.

Martínez-Hernández, Aldo Adrián, Asbel Bohigues, Aldo Adrián Martínez-Hernández, et Asbel Bohigues. « El giro a la izquierda en los parlamentos latinoamericanos. ¿Cuándo y cómo se dio? » Política y gobierno 26, no 1 (juin 2019): 93‑115. http://www.scielo.org.mx/scielo.php?script=sci_abstract&pid=S1665-20372019000100093&lng=es&nrm=iso&tlng=es.


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