Le chavisme
- Latam Sin Filtro
- 18 déc. 2024
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Dernière mise à jour : 2 mars

Définiton
Le chavisme est un courant de pensée/idéologie politique au Venezuela d’orientation socialiste et bolivarienne[1]. Le terme fait référence à l'ancien président vénézuélien, Hugo Chávez (1999-2013). Aujourd’hui, le chavisme est représenté par le président Nicolas Maduro. Le chavisme est associé à de nombreuses idéologies telles que l'anti-américanisme, le bolivarisme, l'intégration latino-américaine, l'anticapitalisme, l'anti-impérialisme, le populisme de gauche...
Ce courant de pensée est né des idéologies du militaire vénézuélien et futur président Hugo Chávez Frías et de la fusion de la doctrine militaire, d’une part, et de la pensée de la gauche bolivarienne, d’autre part. Le chavisme est à la fois militariste et socialiste et vise à transformer la société en créant un citoyen nouveau, humaniste et socialiste. Le socialisme comme alternative au « système destructeur et sauvage du capitalisme » est au cœur du chavisme. Le christianisme joue également un rôle important.
« L’arbre aux trois racines » est un concept clé du chavisme. En effet, Chávez considère que son idéologie repose sur trois piliers :
La racine bolivarienne reflète l'approche de Simón Bolívar en matière d'égalité et de liberté et sa vision géopolitique de la région latino-américaine.
La racine d’Ezequiel Zamora, « le général du peuple souverain et de l'unité civilo-militaire », réformateur social qui a permis la redistribution des terres aux paysans.
La racine de Simón Rodríguez, représentant le propre professeur et mentor de Simón Bolívar, ardent défenseur de l’enseignement public surnommé « le sage de l'éducation populaire ».
À ces trois racines, Chávez ajoutera Francisco de Miranda et Antonio José de Sucre et mentionnera également plus tard José Martí, León Trotski, Che Guevara et Fidel Castro.
Concrètement, le chavisme d’Hugo Chávez a changé le Venezuela en nationalisant l'économie, en créant des programmes sociaux, en faisant du pétrole l'unique source de richesse du pays et en militarisant l'administration publique à travers une relation armée-population qu'il appelle « l'union civique-militaire ».
Comme la plupart des populismes, le chavisme repose sur l'idée que le peuple est opprimé par les élites corrompues. L'interprétation de l'histoire vénézuélienne par les chavistes est devenue le patrimoine, l'héritage de la classe populaire. Le chavisme implique une politisation populaire et une volonté de restaurer et de protéger l'identité nationale vénézuélienne.
A l’échelle internationale, le chavisme défend la construction d'une Amérique latine unie, inspirée du projet de Simón Bolívar. Le chavisme est anti-impérialiste, défendant l'existence d'un ordre international multipolaire contre l'hégémonie américaine.
Au cours de l’histoire, le chavisme a été contesté à plusieurs reprises. Une étude sur les actions de protestation au Venezuela réalisée par l’ONG Provea et Espacio civil a recensé plus de 19 000 manifestations dans le pays entre octobre 1999 et septembre 2010 (fermetures de rues, rassemblements, marches, grèves, prises de contrôle d'établissements, entre autres).
Qui est Rafael Chávez Frías et comment est né le chavisme ?

Photographie de Hugo Chávez, source : Reuters
Depuis 1958, les partis Acción Democrática (social-démocrate) et Comité de Organización Político Electoral Independiente, dit Copei (social-chrétien) se partagent le pouvoir par alternance, posant un réel problème de représentation politique.
Hugo Chávez est apparu sur la scène politique au milieu des années 1990. Son idéologie est née de deux milieux très différents : l'armée et les intellectuels de gauche. D'une part, à l'âge de 17 ans, en 1971, il entre à l'Académie militaire vénézuélienne de Caracas et occupe par la suite divers postes au sein des forces armées nationales, et d'autre part, il fréquente des intellectuels de gauche et s'intéresse aux mouvements ouvriers et paysans.
Dans les années 1980, après des années de dictature, les démocraties en Amérique latine sont fragiles et doivent surmonter la crise économique : c'est la décennie perdue. De nombreux États ont mis en œuvre des politiques néolibérales imposées par des organisations multilatérales telles que le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale, dirigées par les États-Unis et les puissances occidentales, en échange de financements pour faire face à leurs dettes colossales.
En 1989, la chute du prix du pétrole affecte les ressources financières de l'État vénézuélien et l'inflation augmente malgré les dévaluations du bolivar. L'État se retrouve dans une grave situation d'endettement. Bien que le président Carlos Andrés Pérez ait dénoncé les pratiques du FMI lors de sa campagne présidentielle, il finit par demander un prêt à l'organisation internationale, ce qui conduit à des politiques d'ajustement radicales connues sous le nom de « paquet économique » ou de « grand redressement ». La même année a lieu le Caracazo, une série de manifestations violentes qui durèrent 9 jours en réponse à l'augmentation du prix de l'essence et du coût des transports urbains.
Trois ans plus tard, dans la nuit du 3 au 4 février 1992, Chávez réalise un coup d'État contre le gouvernement Pérez. C’est un échec militaire, certes, mais aussi un énorme succès politique. Chávez apparaît comme la seule alternative politique face à la domination des deux partis AD et Copei. Après l'échec du coup d'État, Chávez passe deux ans en prison et prépare sa campagne électorale qu'il mènera de 1995 à 1997, et le chavisme prend à ce moment-là une autre direction.
Au début, Chavez est très inspiré par l'idéologie trotskiste[1], mais après la tentative de coup d'État, il s'inspire davantage de la théorie de l'hégémonie culturelle[2]. Il propose une interprétation de l'histoire vénézuélienne dans laquelle les exploits de Simón Bolívar et son projet de Grande Colombie ont été outragés par la République du Venezuela (1953-1999), qui a rendu le pouvoir aux criollos corrompus.
Avec son nouveau courant de pensée, il remporte les élections présidentielles de 1998 et décide de modifier la constitution pour corriger les « erreurs du passé ». Le 20 décembre 1999, la République bolivarienne du Venezuela est proclamée. En 2006, Chávez remporte à nouveau les élections et met en place le « Nouveau Socialisme du 21ème siècle ». Six ans plus tard, il est à nouveau élu président du Venezuela, mais meurt l'année suivante d'un cancer. Depuis, Nicolas Maduro, son successeur, dirige le pays à travers l'une des pires crises sociales, politiques et économiques de l'histoire du Venezuela.

Photographie de Nicolás Maduro, source : Juan Barreto/AFP
[1] Le bolivarisme est un courant de pensée qui tire son nom de Simón Bolívar, un militaire vénézuélien qui a dirigé des mouvements d'indépendance dans plusieurs pays d'Amérique latine. Il s'agit d'une forme de patriotisme hispano-américain et d'anti-impérialisme américain.
[2] Le trotskisme est un courant politique du marxisme développé par Léon Trotski. Ce dernier préconisait des mesures telles que la rotation des postes au sein du parti communiste unique de l’Union soviétique afin d’en finir avec la bureaucratie.
[3] L'hégémonie culturelle est un concept développé par Antonio Gramsci. Selon lui, les normes culturelles dominantes d'une société sont imposées par la classe dirigeante. Les normes sont le produit d'une construction sociale et une nouvelle culture ouvrière doit être construite afin de réaliser la révolution ouvrière de la philosophie marxiste.
Bibliographie
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