Pourquoi le Costa Rica n'a-t-il pas d'armée ?
- LatamSinFiltro
- 7 mai
- 5 min de lecture

Le Costa Rica est le premier pays au monde à avoir supprimé son armée et est aujourd’hui l’un des 21 pays au monde à ne pas en avoir. Le pays a décidé de l’abolir après la guerre civile qui a éclaté en 1948 (« Révolution de 48 »). La décision a été annoncée le 1er décembre 1948 par l'ancien président José Figueres Ferres et est entrée en vigueur en 1949.
Cette décision a permis au Costa Rica d'éviter la mise en place (appuyée par les Etats-Unis) d'une dictature militaire comme ce fut en effet le cas dans la plupart des pays d'Amérique latine dans un contexte de guerre froide donnant lieu à une forte militarisation de la région.
La guerre civile de 1948
La guerre civile au Costa Rica a duré 44 jours et a éclaté après l'annulation des élections générales de 1948 entre le candidat Otilio Ulate du Parti de l'Union nationale (droite) et l'ancien président rallié aux communistes, Rafael Calderón Guardia (1940-1944). De son côté, José Figueres Ferres était un allié d'Ulate qui avait dénoncé à plusieurs reprises la corruption des gouvernements précédents, notamment sous la présidence de Calderón Guardia.
Les élections présidentielles de 1944 et les élections de mi-mandat de 1946 avaient été contestées par l'opposition au gouvernement calderoniste de Teodoro Picado Michalski (1944-1948). À la suite de la grève “des bras tombés” (“huelga de brazos caídos” en espagnol) de 1947 organisée par l'opposition politique contestant les résultats des élections, un accord entre le gouvernement et l'opposition a été signé stipulant que les élections ne pouvaient plus être contestées à l’avenir.
Cependant, les résultats des élections du 8 février 1948 qui annonçaient la victoire d'Ulate furent contestés par Calderón Guardia, violant ainsi les accords de 1947 et le Congrès annula les élections. C’est ainsi que le conflit fut déclenché le 12 mars 1948 avec le « Plan Maïs » organisé par les rebelles consistant à prendre la ville de San Isidro de El General.
Le 18 avril 1948, les calderistas annoncent la capitulation du gouvernement devant l'état-major de l'armée. Le lendemain, les rebelles figueristas récupèrent San Isidro de El General représentant la dernière bataille de cette guerre civile. Le gouvernement et les rebelles signent le Pacte de l'ambassade du Mexique et le 20 avril, le troisième désigné présidentiel, Santos Leon Herrera, assume la présidence pour 18 jours jusqu'à la création du Junta Fondatrice (“Junta Fundadora” en espagnol) de la IIe République, qui sera dirigé par Figueres. Cette date marque officiellement la fin du conflit.
De nombreux partisans d'Ulate étaient réticents envers Figueres et craignaient qu'il ne rende jamais le pouvoir à Ulate. Pour éviter un nouveau conflit entre les vainqueurs, Ulate et Figueres signent un pacte le 1er mai 1948 convenant qu'après les 18 mois de gouvernement provisoire de 18 mois commençant le 8 mai 1948, Ulate reprendrait le pouvoir puisqu'il est le légitime vainqueur des élections passées. Le pacte prévoit également la convocation d'élections pour une Assemblée nationale constituante (afin de rédiger une nouvelle Constitution) pendant le gouvernement provisoire.

L'abolition de l'armée
Au cours de son mandat, Figueres dissout l'Armée de libération nationale et, le 1er décembre 1948, dans un acte très symbolique, il annonce l'abolition de l'armée costaricienne. Une cérémonie est organisée au cours de laquelle le président de l'époque frappe avec un maillet le mur de la caserne Bellavista, transformée peu après en Musée national du Costa Rica. Figueres proclame :
"Nous, hommes qui avons récemment fait couler du sang dans un pays de paix, comprenons la gravité des blessures que cela peut engendrer en Amérique Latine et reconnaissons le besoin urgent de les guérir. Nous ne manions pas le poignard du meurtrier, mais le scalpel du chirurgien. En tant que chirurgiens, nous nous intéressons maintenant plus seulement à l'opération pratiquée sinon à la santé future de la Nation, qui exige que cette plaie se referme vite pour devenir une cicatrice bien plus saine et forte que son tissu original.
Nous sommes de fervents partisans de l’idéal d’un nouveau monde en Amérique. À cette patrie de Washington, Lincoln, Bolivar et Martí, nous voulons aujourd’hui lui dire : Oh, l’Amérique ! D'autres peuples, qui sont également tes fils, t’offrent leurs victoires. Le Petit Costa Rica souhaite toujours pouvoir t’offrir, tout comme aujourd'hui, avec son cœur, son amour pour la civilité, pour la démocratie."

L’abolition de l’armée costaricienne est une décision qui a été prise en pleine guerre froide et de manière stratégique : il est vrai que Figueres souhaitait le soutien des États-Unis en cas de conflit et démontrer que son pays était stable et surtout qu’aucune menace communiste ne pourrait entraver la paix. Les États-Unis ont évidemment soutenu la décision d’abolir l’armée et ont même proposé de former la Garde civile qui remplacerait l’armée.
La Garde civile costaricienne a été créée en avril 1949, par la loi n° 178 de la nouvelle Constitution politique approuvée le 7 novembre 1949. Les ressources de l'État initialement destinées à la défense et à l'armée ont donc été réorientées vers les domaines de l'éducation et de la santé.
Le Costa Rica pourrait-il à nouveau avoir une armée ?
Tout comme pour le Japon par exemple, l’abolition de l’armée est inscrite dans la Constitution costaricienne :
"L'Armée est proscrite en tant qu'institution permanente. Pour la surveillance et le maintien de l'ordre public, il y aura les forces de police nécessaires. Ce n'est que par accord continental ou pour la défense nationale que les forces militaires pourront être organisées ; toutes deux seront toujours subordonnées au pouvoir civil : elles ne pourront ni délibérer, ni faire de manifestations ou de déclarations individuellement ou collectivement."
Article 12 de la Constitution politique du Costa Rica
Pour pouvoir reconstituer une armée il faudrait ou modifier la Constitution, ou que la sécurité nationale du Costa Rica soit menacée (expression assez flou, sujet à interprétation) ou que cela vienne d'un accord régional/continental, tout en sachant que dans le deuxième et troisième cas, l'accord de la population est requis.
Le Japon a trouvé le moyen de contourner sa propre Constitution qui stipule qu'il ne peut pas disposer de forces armées (article 9) en créant des « Forces d'autodéfense », notamment pour faire face aux menaces chinoises et nord-coréennes depuis le début des années 2010.
Dans le cas du Costa Rica, l'armée costaricienne n’a jamais été une institution puissante et d’une grande importance. La décision de l’abolir est particulièrement symbolique pour la population et la question du rétablissement d’une armée ne fait pas partie du débat public au Costa Rica. En outre, il n’existe aucune menace émanant d’autres États contre le Costa Rica, même si l’on ne peut pas dire que la situation en Amérique centrale soit vraiment stable.
Bibliographie
« Abolición del Ejército en Costa Rica, 1949 - Memory of the World - Latin America and the Caribbean ». Consulté le 2 mai 2025. https://www.unesco.org/es/memory-world/lac/abolition-army-costa-rica-1949.
« Conozca la historia de la Abolición del Ejército en Costa Rica | Ministerio de Cultura y Juventud », 30 novembre 2021. https://www.mcj.go.cr/sala-de-prensa/noticias/conozca-la-historia-de-la-abolicion-del-ejercito-en-costa-rica.
Museo Nacional de Costa Rica. « Abolición del ejército « Museo Nacional de Costa Rica ». Consulté le 5 mai 2025. https://www.museocostarica.go.cr/los-secretos-del-jardin-abolicion/abolicion-del-ejercito/.
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