La guerre civile au Salvador (1981-1992)
- LatamSinFiltro
- 29 janv.
- 6 min de lecture
Dernière mise à jour : 2 mars

La guerre civile salvadorienne a été particulièrement longue et sanglante. Certains considèrent qu’elle a commencé en 1979 et d’autres en 1981.
Depuis les années 1930, le Salvador est dirigé par l'armée (droite) et la libéralisation de son économie a été très limitée. Le gouvernement militaire était répressif et violent. Dans les années 1970, le creusement des inégalités socio-économiques et la nécessité de réformer le secteur agricole à travers une meilleure redistribution des terres ont donné naissance à de nouvelles revendications de la part des citoyens qui ont commencé à protester.
Lors des élections présidentielles de 1972, l'armée organise un coup d'État pour empêcher la victoire du Parti chrétien-démocrate (PDC) représenté par le candidat José Napoleón Duarte. À partir de cette année, toutes les élections présidentielles et législatives organisées ont été frauduleuses, intensifiant la polarisation sociale et légitimant la violence comme moyen de participation politique. Le gouvernement militaire a mis en œuvre une politique de répression contre les opposants au régime et contre l'Église.
Le général Carlos Humberto Romero « gagne » les élections de 1977. Face aux manifestations qui ont eu lieu la même année, le gouvernement a de nouveau réagi par une répression très violente. La violence politique fait partie de la vie quotidienne du Salvador depuis quelques années maintenant.
Le 15 octobre 1979, des officiers « réformistes » de l'armée organisent un coup d'État contre le gouvernement Romero et créent la première junte gouvernementale. Cependant, la junte n'a pas réussi à obtenir le soutien total de l'armée traditionnelle et son incapacité à mettre en œuvre une réforme agraire a entraîné son démantèlement de seulement 75 jours après sa création. La violence politique a donc continué.
L'implication des États-Unis dans le conflit
En contexte de guerre froide, l'Amérique latine représente une zone stratégique pour les États-Unis qui considère que la région doit être sous contrôle de la superpuissance afin d'empêcher les régimes d'Amérique latine de basculer vers le communisme. Afin de mener à bien leur politique extérieure, les États-Unis ont soutenu de nombreuses dictatures de droite à partir des années 1970 en Amérique latine, dont celle du Salvador.
En effet, les États-Unis visaient à faire du Salvador un modèle de démocratie dirigé par gouvernement de centre-droit. Ainsi, en décembre 1970, les États-Unis soutiennent la formation d'une alliance politico-militaire avec le Parti démocrate-chrétien (PDC) par le biais d'une deuxième junte gouvernementale dirigée par José Napoleón Duarte (PDC). Cette deuxième junte fut particulièrement violente : des milliers de citoyens furent tués.
Le 24 mars 1980, l'archevêque de San Salvador, le respecté Oscar Romero, qui avait dénoncé à plusieurs reprises la violence du gouvernement et le soutien des États-Unis à la dictature, a été assassiné par la junte gouvernementale. D'une part, le 10 octobre 1980, le Front Farabundo Martí de libération nationale (FMLN) est créé, regroupant quatre mouvements de guérilla et le Parti communiste salvadorien. D'autre part, en 1981, le parti conservateur ARENA (Alliance républicaine nationaliste) est créé par Roberto d'Aubuisson Arrieta. Il a rassemblé un groupe de propriétaires terriens et d'entrepreneurs qui cherchaient à donner une voix à leurs idéaux conservateurs contre le FMLN et la junte militaire. Nous noterons que d'Aubuisson faisait partie des escadrons de la mort[1] de la junte avant de fonder le parti.
Face à la répression gouvernementale, le 10 janvier 1981, le FMLN commence une guérilla contre le gouvernement qui durera de 1981 à 1992. À partir de 1981, la violence au Salvador s'intensifie brusquement. On a tendance à considérer que la guerre civile débute réellement au moment de la première offensive du FMLN contre le gouvernement.
En 1982, une assemblée constituante[2] est organisée. Cependant, les résultats ne furent pas en faveur des plans des États-Unis : le PDC n'a réussi à obtenir que 24 sièges sur les 60 de l'assemblée contre 36 sièges pour l'opposition de droite, dont 10 pour l'extrême droite (ARENA). La nouvelle constitution est rédigée en 1983.
Si l'administration Carter aux États-Unis (1977-1981) avait favorisé une alliance entre l'armée et la droite pour tenter de mettre fin à la violence dans le pays, l'administration Reagan (1981-1989) avait pour objectif d’éliminer le FMLN et faire du Salvador une démocratie dirigée par la droite. Pendant des années, l'administration Reagan a financé l'armée du pays et sa répression. Plusieurs conseillers militaires américains ont été envoyés pour soutenir la dictature.
Le président Reagan a fait pression sur le gouvernement salvadorien afin d’avancer les prochaines élections présidentielles en 1984 et soutenir le PDC. On estime que le gouvernement américain a envoyé environ 10 milliards de dollars afin de soutenir la campagne du PDC et le candidat Duarte.[3] La victoire du PDC a entraîné une nouvelle augmentation de l'aide financière et militaire américaine. De 1984 à 1989, Duarte a entrepris plusieurs processus de négociation avec le FMLN, en vain.
En 1986, la Commission vérité de l'ONU a conclu dans un rapport de 165 pages que la plupart des actes de violence menés contre les civils avaient été commis par des agents de l'État, des groupes paramilitaires alliés et des escadrons de la mort. D'autres actes de violence comprenaient la torture, des violences sexuelles et sexistes ainsi que des mutilations. Le rapport indique également que les États-Unis auraient supervisé ces différents actes de torture. Malgré la publication de ce document et les nombreuses critiques, le président Reagan a continué de soutenir le régime dictatorial. La pression interne a finalement forcé Reagan à réduire de moitié le soutien militaire et financier des Etats Unis à la dictature salvadorienne.
Lors des élections présidentielles de mars 1989, le PDC perd face à l'ARENA et Alfredo Cristiani devient le nouveau président du Salvador. Le rêve américain de voir le Salvador devenir une démocratie de centre droit s'effondre. Pendant ce temps, la guerre civile continue de ravager le pays. Le 11 novembre 1989, le FMLN lance sa plus grande offensive en 10 ans de guerre contre le gouvernement ARENA. L'armée profite de la situation et lance une répression meurtrière.

Le chemin vers la paix
Avec l'arrivée au pouvoir de George H.W. Bush aux États-Unis (1989-1993) en janvier 1990, l'implication des États-Unis dans le conflit se réduit peu à peu. Le 4 avril 1990, un accord est signé à Genève prévoyant la participation de l'ONU à la résolution du conflit en tant que médiateur. À partir des années 1990, le processus de paix avec la participation de l'ONU progresse jusqu'à aboutir aux accords de Chapultepec, signés le 16 janvier 1992 au Mexique entre le gouvernement du Salvador et le FMLN. Un cessez-le-feu de 9 mois est mis en place à partir du 1er février 1992. Il n’est jamais interrompu et le FMLN devient un parti politique à la fin de 1992.
En un peu plus de 10 ans, la guerre civile au Salvador a fait 75 000 morts. Parmi les 5,5 millions de Salvadoriens, 1 million a dû fuir le pays, soit 18% de la population.
Après la guerre civile
Le texte des Accords de Chapultepec ne modifie pas le régime économique du pays et ne prévoit pas une répartition plus égalitaire des richesses. La période d’après-guerre est marquée par la continuité des affrontements entre le FMLN et l'ARENA, mais désormais elle se fait à travers des urnes. Le contenu des accords de Chapultepec se concentre sur l'avenir et la réintégration des guérilleros et de l'armée de la junte à la société salvadorienne et la démobilisation des forces armées.
Le « Programme de transfert des terres » (« Programa de Transferencia de Tierras » en espagnol) est créé mandatant une institution spécialisée, la Banque foncière, pour financer l'achat de terres agricoles. Ce programme avait pour but de répondre à l'une des plus anciennes revendications des guérilleros de gauche le Salvador étant un pays, comme beaucoup de pays d’Amérique latine, où la plupart des terres appartiennent à un petit groupe de riches propriétaires terriens.
De manière générale, le processus de réinsertion des anciens guérilleros et combattants dans la société a été un échec.
Si de nombreuses victimes de la guerre civile avait dû émigrer aux États-Unis, après la guerre, beaucoup d’autres ont dû émigrer en raison de la difficile conjoncture économique au Salvador.
[1] Un escadron de la mort fait référence à des groupes paramilitaires organisés dans le but de mettre fin à la vie d'autres personnes. En général, ils sont organisés par des régimes dictatoriaux ou autoritaires. Les escadrons de la mort procèdent à des assassinats ciblés.
[2] Une assemblée constituante est « un organe collégial dont la fonction est de réformer ou de rédiger la Constitution. Elle est généralement définie comme « l'assemblée du peuple, représentants du peuple, qui sont chargées d'édicter la loi fondamentale d'organisation d'un État ou de modifier la loi existante ». Dans cette optique, l'Assemblée constituante est constituée en tant que mécanisme participatif et démocratique pour la réforme totale ou partielle de la Constitution » Cour interaméricaine des droits de l'homme. « Assemblée constituante ». Consulté le 9 janvier 2025. https://www.corteidh.or.cr/sitios/tesauro/tr556.htm.
[3] Olivier Dabène, L’Amérique latine à l’époque contemporaine, 9ème (Armand Colin, s. f.).
Bibliographie :
Buergenthal, Thomas. «La Comisión de Verdad para El Salvador», s. f.
Dabène, Olivier. L’Amérique latine à l’époque contemporaine. 9ème. Armand Colin, s. f.
«El Salvador – CJA». Consulté le 30 décembre 2024. https://cja.org/where-we-work/el-salvador/.
Garibay, David. «Quand la paix se construit sur l’oubli des démobilisés : anciens guérilleros et anciens soldats dans la société salvadorienne de l’après-guerre». Revue internationale des sciences sociales 189, n.o 3 (2006): 501-12. https://doi.org/10.3917/riss.189.0501.
«Historia - ARENA», 25 mars 2023. https://arena.org.sv/historia/.
Muñoz-Ledo, Rocío. «¿Quién es Nayib Bukele? El recorrido del controvertido presidente que busca un segundo mandato en El Salvador». CNN, 30 janvier 2024. https://cnnespanol.cnn.com/2024/01/29/quien-es-nayib-bukele-controvertido-presidente-segundo-mandato-salvador-orix.
«Salvador | Histoire du pays | Perspective Monde». Consulté le 30 décembre 2024. https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMHistoriquePays/SLV.
#salvador #elsalvador #guerrecivile #guerre #FMLN #ARENA #accordsdechapultepec #dictature #escadronsdelamort #guerrecivileelsalvador
Comments