Le canal de Panama : au coeur de la guerre commerciale États-Unis-Chine
- LatamSinFiltro
- 22 mars
- 16 min de lecture
Dernière mise à jour : 21 mai

En décembre 2024, un mois avant de débuter son mandat présidentiel, Donald Trump a annoncé publiquement qu’il comptait « reprendre » le canal de Panama. Face à cette annonce, les réseaux sociaux se sont enflammés et tout le monde a un peu perdu son sang-froid. Dans les médias, on peut trouver des explications concernant l'importance du canal pour les États-Unis, de l'influence chinoise au Panama, mais on parle surtout de la « menace » militaire de Trump. Dans quelle mesure est-ce vraiment une menace de la part des États-Unis ? Dans cet article, nous allons voir quelle est la véritable importance du canal de Panama pour le commerce international (régional et mondial) et notamment pour les deux plus grandes puissances économiques mondiales : les États-Unis et la Chine afin de comprendre l’enjeu qui se trouve au Panama.
Le canal de Panama, acteur du commerce international
Des pays liés par l’histoire : les Etats-Unis et la construction du Canal de Panama

Depuis le XVIe siècle, quelques années après l'arrivée des colons espagnols en Amérique, les grandes puissances européennes avaient déjà envisagé de relier les deux grands océans à travers la construction d’un canal qui permettrait la navigation transocéanique. En effet, bien avant même la construction du Canal de Panama, le pays constituait un passage naturel pour le transit des marchandises et des personnes. Pour les pays étrangers et notamment les puissances européennes ou les États-Unis, l’isthme (le petit bout de terre) qui reliait l’Amérique du Nord et l’Amérique centrale à l’Amérique du Sud, pourrait devenir un grand canal transocéanique qui raccourcirait le voyage des navires. A la fin du XIXème siècle, dans les années 1880, les Français tentèrent de construire un tel canal, mais en vain, ce fut un échec total.
Au début du XXe siècle, le Panama n’était pas un pays indépendant, c’était un département de l’ancienne Grande Colombie. De nombreux Panaméens luttaient à cette époque pour leur indépendance et l'établissement d'un gouvernement central panaméen. Cependant, le gouvernement colombien n’avait aucun intérêt à se débarrasser du Panama, qui représentait un territoire stratégique. Dans les années 1900, Theodore Roosevelt, alors président des États-Unis, tenta de négocier avec la Colombie la construction d’un canal sur son territoire, mais ne parvint pas à obtenir un accord.
La stratégie américaine fut alors d'envoyer des militaires soutenir les mouvements indépendantistes panaméens qui obtinrent finalement le 3 novembre 1903. Deux semaines plus tard, les Traité Hay-Bunau-Varilla furent signés entre les gouvernements de Panama et des Etats-Unis mettant en place la construction du canal de Panama.
Si les Panaméens obtinrent le contrôle de leur territoire, ils n’obtinrent pas celui de leur futur canal. En effet, ce traité accordait aux États-Unis un usage totalement illimité du canal. La « Zone du Canal de Panama » a été donnée aux États-Unis à perpétuité, sur laquelle les lois des États-Unis régiraient. De plus, dans le cadre de ce traité, les seuls réels avantages dont le Panama bénéficia furent un modeste revenu annuel et la création d'emplois nationaux directs et indirects. Il est important toutefois de noter que les salaires des travailleurs panaméens étaient bien inférieurs à ceux des employés nord-américains. À long terme, le peu de contrôle que le Panama exerçait sur son canal et le peu de profit qu’il en tirait a créé des tensions politiques entre le Panama et les États-Unis ainsi que d’importantes tensions sociales entre Panaméens. Ces tensions ont atteint un point culminant lors des événements du 9 janvier 1964 qui ont provoqué la mort de 23 personnes et fait 200 blessés. Quelques mois plus tard, en mars 1964, Lyndon B. Johnson, alors président des États-Unis, reconnut la légitimité des revendications panaméennes et décida d'entamer un processus interne organisant la remise du Canal au Panama.
Les traités Torrijos-Carter : les États-Unis peuvent-ils intervenir militairement dans le Canal ?
Dix ans plus tard, le 7 septembre 1977, le président américain Jimmy Carter et le président panaméen Omar Torrijos signent le Traités Torrijos-Carter au siège de l'Organisation des États américains, à Washington. Ces traités mettent fin à la notion de perpétuité et établissent le processus de liquidation de la Zone du canal. Le Panama reprendrait le contrôle total du canal le 31 décembre 1999. Trois traités furent signés : un portant sur le canal, un autre sur son exploitation et un autre sur le régime de neutralité.
Cependant, ces traités n'ont restitué au Panama que 64 % des terres de la zone du canal et ont permis aux États-Unis de conserver des avantages et des droits sur le canal. Premièrement, les États-Unis bénéficient d’un accord économique avantageux. Les taxes que les Etats-Unis doivent payer sont extrêmement limitées. De même, les crédits de développement que les Etats-Unis doivent accorder au Panama sont très avantageux pour les États-Unis puisqu'il s'agit de prêts accordés pour l'achat de produits nord-américains, renforçant ainsi la présence économique des États-Unis dans le pays centraméricain.
De même, le Traité de Neutralité Permanente donne aux États-Unis le droit d’intervenir militairement au Panama afin de garantir sa sécurité et sa neutralité. On notera que la signification de « garantir la neutralité » du Canal n’est pas vraiment claire mais c'est ce droit que le président Donald Trump voudrait utiliser pour reprendre le Canal, selon ses termes, affirmant que le Canal de Panama est actuellement sous contrôle chinois.
Néanmoins, si dans un premier temps les États-Unis, dans le cadre d'un amendement au traité de 1978, la « condition DeConcini », se sont réservés le droit de prendre des mesures unilatérales pour défendre le canal de Panama (et donc leurs intérêts) contre toute menace susceptible d'interférer avec son fonctionnement, ces conditions ont été rejetées par le Panama. Face à cela, le pays d'Amérique centrale a envoyé une lettre à l'ONU pour dénoncer la décision américaine qui viole le droit international et les principes de l'organisation. Les États-Unis ont donc rectifié le texte :
Premier texte : "Si le canal venait à fermer ou si son fonctionnement à être entravé, chaque pays aura, indépendamment, le droit de prendre les mesures qu'il jugera nécessaires, y compris le recours à la force militaire dans la République de Panama." (traduction depuis l’espagnol)
Deuxième texte : "Conformément à leur adhésion au principe de non-intervention, toute mesure prise par les États-Unis dans l'exercice de leurs droits pour garantir que le canal de Panama reste ouvert, neutre, sûr et accessible, ne peut avoir pour but que de garantir que le canal reste ouvert, neutre, sûr et accessible, et ne sera pas destiné, ni interprété, comme un droit d'intervenir dans les affaires intérieures de la République de Panama ou d'interférer avec son indépendance politique ou sa souveraineté territoriale." (traduction depuis l’espagnol)
Ainsi, dans ce nouvel amendement, les États-Unis précisent que le droit d’intervenir dans le canal ne doit pas être interprété comme « un droit d’intervention des États-Unis dans les affaires intérieures du Panama». Toute mesure prise par les États-Unis dans l'exercice de leurs droits pour assurer la neutralité et la sécurité du canal de Panama ne doit être interprétée que comme une mesure visant à garantir le bon fonctionnement du canal. Les Etats-Unis ne peuvent plus agir unilatéralement.
En conclusion, les États-Unis ont le droit d’intervenir militairement, mais pour intervenir, ils devraient démontrer que la neutralité du canal est menacée et donc dans notre cas, que la Chine contrôle le canal, menaçant la neutralité de ce dernier. L’envoi de troupes doit être validé légalement par les Etats-Unis et par le Panama.
Le rôle du canal de Panama dans le commerce international (régional et mondial)
La construction du canal de Panama a modifié la structure du commerce international. L'utilisation du Canal a permis d'ouvrir de nouvelles routes maritimes entre des pays et des régions qui traditionnellement ne commerçaient pas en raison de leur éloignement. Le Canal a également permis de raccourcir les temps de transport, facilitant et augmentant les flux commerciaux dans le monde. Par exemple, la distance entre New York et San Francisco (États-Unis) par le canal de Panama est de 5 262 milles marins, le trajet par le détroit de Magellan est 2 fois plus long (plus ou moins 13 milles marins). Aujourd'hui, le Canal constitue la principale liaison maritime entre l’Océan Atlantique et Pacifique.
Le Canal de Panama a permis à de nombreux pays et régions d’être plus compétitifs et de développer leur économie. Le canal a été l’une des principales causes de la croissance économique notamment dans les pays développés comme les États-Unis.
Voici les principales routes commerciales passant par le canal de Panama selon les données de l'autorité panaméenne :
Côte Est des États-Unis et Asie (Extrême-Orient)
Côte Est des États-Unis et Côte Ouest de l'Amérique du Sud
Côtes Est-Ouest de l’Amérique du Sud
Europe et côte Ouest de l'Amérique du Sud
Côte Est des États-Unis et Côte Ouest de l'Amérique Centrale
Au total, 170 pays dans le monde utilisent le canal de Panama, le canal sert de connexion à 180 routes différentes et 1920 ports sont reliés au canal. Selon le rapport annuel 2024 de l'Autorité du canal de Panama, environ 3 % du commerce maritime mondial transite par le Canal.
Concernant l'importance du Canal pour le commerce latino-américain, en 2009, en moyenne 4,8% de des exportations maritimes de la région ont transité par le Canal. Ce chiffre était plus élevé pour les pays de la côte ouest, par exemple pour le Chili, l'Équateur et le Pérou, dont les pourcentages atteignaient respectivement 32%, 31,2% et 26,8% respectivement [1]. En termes d'importations, 18% des importations latino-américaines ont transité par le canal de Panama en 2007. Une réévaluation de ces chiffres serait intéressante mais on suppose que ces chiffres ont augmenté avec le temps.
En 2024, les contributions directes du Canal à l’économie panaméenne s’élevaient à 2 475 millions de dollars américains. Au total, les contributions directes et indirectes se sont élevées à 3 604 millions de dollars américains. L’activité du canal a contribué à 2,9 % [2] du PIB du pays en 2024. En 2023 57,5 % du total des marchandises transportées par porte-conteneurs depuis l’Asie vers la côte Est des États-Unis est passé par le Canal de Panama [3].
Selon les données de l'Autorité du canal de Panama, la majorité des mouvements de marchandises en provenance du Pacifique se dirigent vers la côte Est des États-Unis et la majorité des mouvements de marchandises en provenance de l'Atlantique se dirigent vers l'Asie. Les principaux navires qui transitent par le canal sont des porte-conteneurs, des vraquiers et des chimiquiers.
Le canal de Panama au centre d'une guerre commerciale et géostratégique entre les États-Unis et la Chine
Chine-Panama : une amitié récente
Depuis quelques années, la Chine a engagé un processus de rapprochement diplomatique et de développement des relations économiques et commerciales avec le Panama. Il est important de comprendre que le rapprochement de la Chine avec le Panama fait partie de sa stratégie globale d'influence en l'Amérique latine qu'elle a mise en œuvre au début du XXIe siècle.
La Chine a véritablement commencé à s’intéresser aux pays d’Amérique latine dans les années 2000, de manière bilatérale et avec des objectifs premièrement commerciaux/économiques. La Chine a signé des accords de libre-échange avec le Chili en 2005, avec le Pérou en 2009 et avec le Costa Rica en 2010. En 2018, le pays asiatique a signé des accords de coopération avec le Venezuela. En 2019, la Chine et le Mexique ont signé un accord pour la promotion et la protection réciproques des investissements. La mise en place de ces traités représente la première étape du développement de l’influence chinoise dans la région à travers le commerce et le mercantilisme.
À partir des années 2010, la puissance asiatique a commencé à développer sa stratégie de « soft power» afin de consolider sa présence dans la région. En 2013, la République populaire de Chine et le Mexique ont signé un accord de partenariat stratégique global. Cet accord implique une collaboration au niveau culturel, technologique et diplomatique. Le 8 janvier 2015 marque le lancement du Forum Chine-CELAC (Communauté des États d'Amérique latine et des Caraïbes), qui vise à aligner les stratégies de développement des deux parties, à renforcer la coordination stratégique, à promouvoir les échanges culturels et à renforcer la confiance politique mutuelle.
La Chine a rejoint la Banque interaméricaine de développement (BID) en 2009. La BID représente la plus grande banque de développement régional et la principale source de financement multilatéral pour l'intégration régionale et le développement économique, social et institutionnel des pays d'Amérique latine et des Caraïbes. En juillet 2014, lors de la réunion des dirigeants Chine-Amérique latine et Caraïbes, le président Xi Jinping a prononcé un discours intitulé « Efforçons-nous de construire une communauté au destin lié par la volonté d'avancer ensemble », dans lequel ce dernier a souligné la création d'un partenariat de coopération global entre la Chine et l'Amérique latine et les Caraïbes.
Depuis l’arrivée de Xi JinPing à la tête de la Chine, les «nouvelles routes de la soie» sont au centre de la politique étrangère et commerciale chinoise. Les Routes de la Soie constituaient un réseau d'anciennes routes commerciales établies sous la dynastie Han en Chine en 130 avant J-C. Ces routes reliaient les différentes régions par le biais du commerce jusqu'en 1453 après J-C. En septembre 2013, Xi JinPing a annoncé le lancement des Nouvelles Routes de la Soie (BRI= « Belt Road Initiative » en anglais), un ambitieux projet économique et géopolitique qui consiste à développer l’influence de la Chine dans le monde à travers l'injection de ressources financières et la construction d'infrastructures telles que des routes, des ponts, des voies ferrées et des ports dans des points stratégiques du monde. Le but est de consolider la présence mondiale de la Chine et de ses entreprises.
Si dans un premier temps l’Amérique latine n’était pas incluse dans le projet, le gouvernement chinois a publié en 2016 un livre blanc dans lequel il formule l’idée d’utiliser l’Amérique latine comme extension de ces nouvelles routes. À partir de là, des pays comme le Pérou ou le Panama ont été intégrés au projet chinois. Dans le cadre de ce projet, la Chine a signé des accords de coopération avec 21 pays d'Amérique latine. Entre autres, la Chine veut dominer une grande partie du marché latinoaméricain et les ports stratégiques afin de “contrôler” une grande partie des flux de commerce international et de bénéficier d’avantages. Cela passe donc par des investissements dans le secteur public et les secteurs stratégiques des pays d’Amérique latine. La Chine a profité du retrait des États-Unis de la région après le 11 septembre 2001 pour se positionner comme un acteur central dans la région et octroyer d'importants prêts bilatéraux et multilatéraux aux pays latinoaméricains. Par exemple, la société chinoise COSCO Ports a construit le mégaport de Chancay (Pérou) pour concurrencer les autres grands ports latino-américains et contrôler une grande partie des flux commerciaux sud-américains.
Quant aux relations entre la République populaire de Chine et le Panama, elles ont véritablement commencé en juin 2017 lorsque le Panama a reconnu l'existence d'une seule Chine, rompant ses relations diplomatiques avec la République de Chine (Taïwan). La Chine, dans le contexte la BRI, cherche à développer ses relations avec le Panama afin d’avoir accès à son canal, véritable porte d’entrée du marché latinoaméricain. Le Panama a été le premier pays à rejoindre le projet chinois des Nouvelles Routes de la Soie.
Le pays a signé 47 accords avec la République populaire de Chine entre 2017 et 2018. Les accords impliquent une coopération bilatérale dans les domaines de la diplomatie, du commerce, de l'économie, des infrastructures, du tourisme et du développement, entre autres.
Le 11 décembre 2017, les deux pays ont signé un protocole d'accord sur la coopération dans le cadre de la “Ceinture économique de la Route de la Soie et la Route de la Soie maritime” qui vise à renforcer la coopération bilatérale et développer des relations économiques et commerciales solides. On notera que cet accord constitue l’un des plus grands projets qu’a mené la Chine jusqu’à présent en termes de politique étrangère.
Le 17 décembre 2017, le Panama et la Chine ont signé l'Accord de coopération maritime qui comprend, entre autres, le contrôle étatique de leurs ports et de leur trafic maritime, la promotion du transport maritime entre les deux parties et le soutien mutuel auprès des organisations internationales. Les thèmes inclus dans les accords de coopération avec le Panama coïncident avec l'objectif global de la République populaire de Chine de développer son hégémonie en Amérique latine.
Les améliorations des infrastructures panaméennes financées par des capitaux chinois résultant de la mise en œuvre du projet BRI ont impliqué une augmentation des investissements chinois dans le pays. Alors que les États-Unis étaient le principal partenaire commercial du Panama en 2024, la Chine arrive juste derrière. Selon les données du gouvernement panaméen, en 2022, la Chine occupait même la première place.
Dans le cadre des accords signés entre la Chine et le Panama, tous deux se sont engagés à encourager les entreprises et autres organisations à mener des actions et des projets de coopération à travers des investissements directs, la création de coentreprises, des projets de construction, la fourniture d'équipements et le transfert de technologies, entre autres.
Voici une liste des entreprises chinoises implantées au Panama établie par le Ministère du Commerce et de l'Industrie (INTELCOM) à fin 2022 :

L’importance du canal de Panama pour le commerce des États-Unis
Comme mentionné dans la première partie, le Panama et les États-Unis sont liés par l’histoire. Le canal de Panama représente un véritable intérêt stratégique pour les États-Unis. A l’origine, le canal de Panama a été construit à des fins principalement géostratégiques et militaires. Le Canal constituait une zone stratégique pour assurer la défense du continent américain où pouvaient être défendus aussi bien le Nord que le Sud depuis, ainsi que les Caraïbes et le Pacifique. Il est important de préciser que le contrôle de l’Amérique latine a longtemps fait partie des objectifs de la politique étrangère des Etats-Unis, notamment de la doctrine Monroe.
Cependant, après le retrait des troupes américaines du pays et le processus de liquidation du Canal, les relations entre les deux pays sont devenues essentiellement économiques et commerciales.
En 2006, un projet d'agrandissement du canal a été lancé avec la participation des États-Unis. L'expansion du canal a été extrêmement bénéfique pour les États-Unis pour plusieurs raisons :
Possibilité pour de plus gros porte-conteneurs de traverser le canal
De nouvelles opportunités pour les investisseurs nord-américains
Augmentation des exportations américaines
Augmentation des importations américaines en provenance d'Asie
Facilitation des flux commerciaux internes aux États-Unis (facilitation du trafic entre la côte Est et Ouest, les États-Unis dépendent du transport maritime pour leur commerce interne puisque leur réseau ferroviaire est très peu développé).
Possibilité pour les plus gros navires de l'US Navy de traverser le canal et de passer d'un océan à l'autre
Meilleure stabilité politique au Panama grâce à une plus grande croissance économique.
Selon le rapport 2024 de l'Autorité du Canal de Panama, en 2024, 74,7% de la cargaison du canal de Panama a pour origine ou destination les États-Unis. Le Canal est essentiel pour son commerce intérieur comme pour son commerce extérieur.
La Chine contrôle-t-elle réellement le canal de Panama ?

Il est clair que les États-Unis n’ont pas vu d’un bon œil l’établissement de relations diplomatiques, puis commerciales et stratégiques entre le Panama et la République populaire de Chine. Le président Donald Trump s'est plaint à plusieurs reprises de l'influence de la Chine sur le canal de Panama et a déclaré que les Chinois contrôlaient le canal. Quels sont les arguments valables de Trump ?
La Chine est le contributeur le plus important de la zone franche de Colon (ZFC). La zone franche de Colon est située à l'entrée du canal de Panama sur l'Atlantique. De nombreuses grandes entreprises multinationales sont implantées dans cette zone franche. La ZFC représente la zone franche la plus importante de tout le continent et la deuxième plus grande au monde avec un volume annuel d'importations et d'exportations s’élèvant à 16,16 milliards de dollars américains [4]. Au cours du premier semestre 2017, les importations de la zone franche de Colón ont représenté 1 344 millions de dollars américains de produits chinois. Ces dernières années, plusieurs grandes entreprises chinoises ont cherché à s’implanter dans la ZFC. En outre, en 2017, la Chine a lancé la construction du plus grand port à conteneurs de la zone franche de l’île Marguerite, avec un investissement de 1,1 milliard de dollars [5]. Jusqu’à début mars 2025, la Chine (Hong Kong) contrôlait les deux ports d’entrée du canal de Panama.
Il convient toutefois de noter que le canal de Panama est géré par une autorité indépendante, nommée par le gouvernement, l'Autorité du Canal de Panama (ACP). Elle a été créée en 1997 et a pour objectif « faire du canal une entreprise efficace et rentable, un pilier du développement humain et socio-économique du pays » [6].
De plus, Les États-Unis constituent la principale destination des exportations panaméennes en 2024, représentant un total de 184,5 millions de dollars [7]. (19,1% des exportations panaméennes) et consolidant ainsi sa position de principal partenaire commercial du Panama. De même, selon les données du site du Canal de Panama, en 2024, 74,7% [8] des marchandises du canal de Panama proviennent ou vont aux États-Unis (principalement des ports de la côte Est et du golfe du Mexique), tandis que seulement 21,4 % des marchandises proviennent ou vont en Chine.
D'une part, avec toutes ces données et compte tenu de tous les avantages que le Traité Torrijos-Carter et l'expansion du canal ont apporté aux États-Unis et d'autre part, avec les informations dont nous disposons concernant la présence chinoise dans le Canal de Panama, affirmer que la Chine « contrôle » le canal semble un peu exagéré, pour ne pas dire faux.
Conclusion

En guise de conclusion, pour toutes les raisons évoquées tout au long de cet article, les États-Unis doivent préserver de bonnes relations avec le Panama puisque son canal est essentiel à leur commerce, mais aussi à leur marine. Dans un contexte de guerre commerciale avec la Chine, les États-Unis veulent s'assurer qu'ils restent le premier partenaire commercial du Panama et que leurs intérêts économiques et géostratégiques soient préservés.
Le discours de Trump est en réalité le reflet de sa politique économique, basée sur le protectionnisme, et démontre que la guerre commerciale que le président Donald Trump avait lancée contre la Chine en 2017 n'est pas encore terminée. Les chiffres et les données montrent que les États-Unis restent le principal partenaire commercial du Panama et également le principal pays étranger utilisateur du canal. Le Canal est géré par une autorité indépendante. La Chine, par l’intermédiaire d’une société de Hong Kong, contrôlait deux ports majeurs du Canal, mais pas la totalité du Canal de Panama.
Si Trump, en déclarant qu’il allait reprendre le canal, pensait pouvoir utiliser la condition DeConcini du Traité de Neutralité Permanente des Traités Torrijos-Carter, c’est en réalité bien plus difficile. Pour intervenir, il faut l'accord du Panama et démontrer qu'il existe une menace réelle sur le bon fonctionnement du canal et sa neutralité. La présence d'entreprises chinoises n’en constitue pas une. Si le président républicain voulait envoyer des troupes, il est peu probable que le projet soit validé juridiquement, puisque le canal est toujours en activité et connaît même un trafic record et une décision unilatérale ne serait pas légale en vertu de l'amendement DeConcini Condition de 1978.
Il faut donc relativiser le discours du président Donald Trump. En réalité, son discours représente des menaces davantage économiques car le Panama dépend également des États-Unis pour son économie et a pour intérêt d’entretenir de bonnes relations avec Washington.
Cependant, les menaces du président américain ont porté leurs fruits puisque le 7 février 2025, le président du Panama, José Raul Mulino, s'est retiré de l'initiative chinoise des Nouvelles Routes de la Soie. De même, en mars 2025, le plus grand gestionnaire de fonds au monde, BlackRock (une société américaine) a racheté à la société hongkongaise CK Hutchison qui contrôlait la gestion des ports Cristobal et Balboa situés à l'entrée Atlantique et Pacifique du canal de Panama. Ainsi, les Etats-Unis contrôleront désormais 3 des plus grands ports du Canal. C’est une victoire pour Trump !
[1] Rodolfo Sabonge et Ricardo J Sánchez, CEPALC, « El Canal de Panamá en la economía de América Latina y el Caribe ».
[2] « Annual Reports », Panama Canal Authority, consulté le 3 mars 2025, https://pancanal.com/informes-anuales/.
[3] Roberto Rodriguez, « Panama Canal Transit Report », Autorité du canal de Panama, 29 août 2023, https://pancanal.com/informe-de-transitos-por-el-canal-de-panama/.
[4] « Global Affairs and Strategic Studies. School of Law », Global Affairs and Strategic Studies, consulté le 7 mars 2025, https://www.unav.edu/web/global-affairs/detalle/-/blogs/china-aumenta-su-presencia-en-el-entorno-del-canal-de-panama.
[5] « Panama Colon Container Port Project Groundbreaking », Panama Colon Container Port, consulté le 7 mars 2025, http://www.pccp.com.pa/pccp/index.php/sala-de-prensa/116-primera-piedra-del-proyecto-panama-colon-container-port.
[6] « Frequently Asked Questions », Panama Canal Authority, consulté le 7 mars 2025, https://pancanal.com/preguntas-frecuentes/.
[7] « Panama nearly $1 billion in exports by the end of 2024 », MICI, consulté le 7 mars 2025, https://mici.gob.pa/2025/02/04/panama-se-acerca-a-los-mil-millones-de-dolares-en-exportaciones-al-cerrar-2024/.
[8]Chaque tonne de fret est associée à une origine et à une destination pour chaque pays. La part en pourcentage par pays est calculée en fonction de l'origine et de la destination de la cargaison ». « Transit Statistics », Panama Canal Authority, consulté le 13 février 2025, https://pancanal.com/estadisticas/.
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