Elections présidentielles en Equateur : nouvelle victoire de Daniel Noboa
- LatamSinFiltro
- 19 avr.
- 9 min de lecture
Dernière mise à jour : 20 mai
En avril 2025, les élections présidentielles ont été célébrées en Équateur, le premier tour a eu lieu le 9 avril 2025 et le deuxième tour, durant lequel le président Daniel Noboa et la candidate Luisa Gonzalez se sont affrontés, a eu lieu le 13 avril 2025. Le président Noboa a remporté les élections avec 55,63 % des voix (chiffres au 16 avril 2025). Le président Noboa entamera son premier mandat présidentiel de quatre ans le 24 mai 2025, jusqu’en 2029.

Le pays se trouve dans une situation difficile : en passant par la crise économique et politique, l’Equateur est également devenu l'un des pays les plus dangereux du continent et les institutions sont remplies de fonctionnaires corrompus. Par ailleurs, la victoire du président a été contestée par l'opposition : Luisa Gonzalez dénonce une fraude...Quels sont les défis auxquels l’Équateur et son nouveau président devront faire face ?
Voici ce que vous devez savoir sur la situation en Équateur et les résultats des élections générales de 2025. Comme toujours, vous pouvez retrouver les sources (fiables) utilisées pour rédiger cet article à la fin de celui-ci. C’est parti !
¿Qui est Daniel Noboa?

Daniel Noboa, président de l’Equateur depuis le 23 novembre 2023 après avoir été élu pour terminer le mandat présidentiel de Guillermo Lasso qui a invoqué la « mort croisée » (“muerte cruzada” en espagnol) le 17 mai 2023, une mesure inscrite dans la Constitution impliquant la dissolution de l'Assemblée nationale et la démission du président. L'ancien président s'est retrouvé coincé face à une Assemblée le bloquant dans toutes ces décisions, rendant impossible la mise en œuvre de tout type de réforme dans le pays.
A 37 ans, Daniel Noboa est le plus jeune président élu de l'Équateur. Avant d'entrer en politique, il était un homme d'affaires lié à l'agroalimentaire ; son père est le fondateur de la société Noboa Corporation, une des plus grosses entreprises du pays. Noboa était membre de l'Assemblée nationale de 2021 à 2023 et a annoncé sa candidature pour reprendre la présidence de Guillermo Lasso.
Avant que Lasso n’invoque la mort croisée, Daniel Noboa avait déjà l'intention de participer aux élections présidentielles de 2025 à travers son propre parti, mais avec l’invocation de la mort croisée en mai 2023, ce dernier n’a pas pu enregistrer son parti au Conseil national électoral (CNE), manque de temps, il a donc participé aux élections en formant une coalition entre les partis PID (“Peuple, Égalité et Démocratie”, centre droit) et MOVER (centre droit ces dernières années, historiquement un parti de gauche) sous le nom de « Action Démocratique Nationale » (ADN). Depuis mai 2024, l’ADN est un parti officiel. Noboa a pu présenter sa candidature à travers son propre parti pour les élections de 2025.
Daniel Noboa est-il de gauche ou de droite ?
Le parti de Noboa et, en général, son discours sont plutôt de centre-droit et pro-libéral. Sa politique est axée sur l'attraction des investissements privés (surtout étrangers) et veut réduire le rôle de l'État dans l'économie. Plusieurs experts qualifient son discours politique de discours populiste puisque, par exemple, lors de la campagne présidentielle de 2023, Noboa s'est présenté comme quelqu'un ne faisant partie d'aucune classe politique, argument plutôt typique des politiciens populistes. Il convient de préciser que l’objectif ici n’est pas de déterminer si être populiste est une bonne ou une mauvaise chose. Cependant, force est de constater qu'en effet, le discours du président Daniel Noboa s’apparente à celui d’un discours populiste. Son utilisation des outils de marketing digital et des réseaux sociaux l’a rendu particulièrement populaire auprès des plus jeunes. [1]. Tout comme Nayib Bukele au Salvador ou Donald Trump aux États-Unis, Daniel Noboa est régulièrement actif sur les réseaux sociaux et partage son quotidien avec les internautes dans le but de créer une proximité avec eux.
Si Noboa déclare à plusieurs reprises ne pas être de droite, un article universitaire publié par Staline Herrera et Anahi Macaroff dans la revue Analyse et débat en 2023 [2] explique que l'environnement du président et surtout la composition de son propre parti politique et de son gouvernement (hommes d'affaires et responsables d'universités prestigieuses ou connaissances de son réseau professionnel) ne laisse pas penser que Noboa pourrait être de centre gauche mais plutôt de droite.
Points clés du premier mandat de Daniel Noboa (2023-2025) et situation en Equateur
Crime organisé, trafic de drogue et questions de sécurité
Depuis début 2024, l’Équateur est de nouveau considéré comme le pays le plus violent d’Amérique latine, voire de tout le continent américain. Selon un rapport du Dr Daniel Montalvo de l'Université Vanderbilt, « 90 % des crimes commis en Équateur en 2023 restent impunis ». [3]
Le 21 avril 2024, lors de la consultation populaire convoquée par Daniel Noboa, le peuple équatorien a approuvé les neuf propositions du président en matière de sécurité. La stratégie de Daniel Noboa repose sur une politique autoritaire de “mano dura” (“main forte”, en français), largement inspirée de Nayib Bukele au Salvador. La consultation comprenait, entre autres, les questions suivantes [4] :
"Etes-vous d'accord pour autoriser le soutien complémentaire des forces armées dans les fonctions de la police nationale pour lutter contre le crime organisé, en réformant partiellement la Constitution ?"
"Êtes-vous d'accord pour permettre l'extradition des Équatoriens, avec les conditions, exigences, restrictions et obstacles établis dans la Constitution, les instruments internationaux et dans la loi, modifiant la Constitution et réformant les lois ?
"Etes-vous d'accord avec l'augmentation des sanctions pour les crimes de: (i) terrorisme et son financement, (ii) production et trafic illicites de substances réglementées soumises à contrôle, (iii) crime organisé, (iv) meurtre, (v) meurtre à forfait, (vi) trafic d'êtres humains, (vii) enlèvement contre rançon, (viii) trafic d'armes, (ix) blanchiment d'argent et (x) activité illicite des ressources minières, en réformant le Code pénal organique global conformément à l'annexe à la question?"
"Etes-vous d'accord avec l'incrimination du délit de possession ou de port d'armes, de munitions ou de composants destinés à l'usage exclusif des forces armées ou de la police nationale, sans affecter les armes à feu autorisées à usage civil, en réformant le Code pénal organique intégral conformément à l'annexe à la question ?"
(traduction à partir de l’espagnol)
Le président Noboa a reçu le soutien de la population et a mis en place sa politique de “main forte” et de militarisation visant à résoudre le problème de la violence croissante en Équateur, liée notamment au trafic de drogue et à l’exploitation minière illégale. Malheureusement, sa politique n’est pas parvenue à réduire substantiellement les taux d’homicides et de criminalité dans le pays :
Dans un premier temps, si l’on regarde le nombre d’homicides commis entre 2023 et 2024, selon les données de l’Observatoire équatorien du crime organisé (OECO), 3 037 homicides (meurtres, féminicides, homicides, tueurs à gages) ont été commis en 2024 contre 8 581 en 2023. [5], correspondant une baisse de 64% du nombre d’homicides. Toutefois, cette amélioration fut de courte durée. Si l'on compare les chiffres correspondant au nombre d'homicides volontaires [6] commis par an et par mois établi par la Commission Spéciale de Statistiques de Sécurité, de Justice, de Criminalité et de Transparence début 2025, entre novembre 2023 (arrivée de Daniel Noboa à la présidence de l'Équateur) et janvier 2025, le nombre d'homicides volontaires est passé de 766 à 781, correspondant à une augmentation de 2 %. Si ce chiffre ne démontre pas une augmentation substantielle du taux d'homicides, ce qui est réellement intéressant d’analyser est l'évolution de ce chiffre tout au long du premier mandat du président Noboa :
Evolution du nombre d'homicides volontaires entre novembre 2023 et janvier 2025

En effet, la politique autoritaire de Daniel Noboa s'est révélée efficace au début avec une réduction de 50 % du nombre d’homicides entre novembre 2023 et février 2024. Néanmoins, on constate qu’au fil du temps, le taux d’homicides a commencé à augmenter de nouveau jusqu’à dépasser en janvier 2025 le nombre d’homicides volontaires enregistrés en novembre 2023.
Il semble naturel que l'on puisse penser qu'une augmentation des peines et que le déploiement de l’armée dans les espaces publics mettent définitivement fin au crime organisé. Cependant, ce n’est malheureusement pas si simple, et dans le cas de l’Équateur, le système judiciaire est très fragile et l'impunité est en réalité le plus gros défi auquel doit faire face le pays. Les politiques style “mano dura” ignorent souvent les relations de pouvoir qui existent entre les institutions et les trafiquants de drogue. Augmenter les années de peine ne changera pas grand-chose si, en fin de compte, les criminels n'ont même pas de procès et ne sont pas reconnus coupables. Si la population a le sentiment d'être plus en sécurité grâce à la présence des militaires dans les espaces publics, les données montrent que l'Équateur n'est pas devenu plus sûr depuis l'arrivée de Noboa, bien au contraire. La question de la sécurité a été un point clé du premier mandat du président, mais les résultats n'ont, jusqu’à présent, pas été très positifs.
Corruption
"(...)Je pense que, lorsqu’on se trouve dans une des situations comme celles-ci, c’est-à-dire en pleine lutte contre le trafic de drogue et contre la corruption, je crois qu'il ne faut faire confiance à personne."
Daniel Noboa, le 1er avril 2025
Un article de recherche publié par Pierre Des François et Tannia Cecilia Mayorga Jácome dans la Revue colombienne des sciences administratives en 2022 [7] explique qu'il existe en effet une corrélation entre l'indice de perception de la corruption et la croissance économique et que l'évolution de la corruption et la croissance économique suivent la même tendance. Les auteurs expliquent également que plusieurs études empiriques ont démontré une relation positive entre le degré d’ouverture commerciale et des niveaux plus faibles de corruption. De même, en Équateur, une augmentation des revenus pétroliers entraîne généralement une augmentation de la perception de corruption.
D'autres facteurs non économiques sont également liés à la corruption, comme la mauvaise qualité des institutions et le manque de transparence. Le niveau d’intervention de l’État peut influencer les niveaux de corruption et, bien entendu, un faible niveau d’éducation accroît considérablement la corruption. Il n'existe cependant aucune donnée permettant de quantifier le coût économique de la corruption en Équateur. [8]. Néanmoins, en 2024, l’indice de perception de la corruption dans le pays était de 32 sur 100, ce qui est très faible.
Pour en finir sur ce point, en 2023, le Centre stratégique de géopolitique (CELAG) estimait à 3,5 milliards de dollars l’argent blanchi en 2021[9]. L'étude du CELAG montre que cette augmentation d’argent blanchi coïncide avec le processus de déréglementation du système financier entrepris et avec les taux de profit plus élevés annoncés par la banque centrale équatorienne depuis 2017. Le CELAG estime qu'en Équateur, le blanchiment d'argent représente entre 2% et 5% du PIB.
Économie
Entre 2023 et 2025, l’Équateur a dû faire face à plusieurs évènements, le premier étant la grave crise énergétique. Les nombreuses coupures d'électricité prolongées dans le pays, causées par la pire sécheresse depuis 60 ans, ont affecté la productivité des entreprises et, par conséquent, ont eu un impact sur la croissance économique du pays. Selon la Banque mondiale [10], l’activité économique aurait connu une contraction d’environ 2,5 % en 2024, notamment en raison de la crise énergétique, de l’incertitude politique et des taux élevés de violence. Le FMI a accordé une aide financière de 4 milliards de dollars à l'Équateur, provoquant, en partie, l'augmentation du ratio dette publique/PIB de 56 %. Les réserves internationales du pays ont cependant augmenté de 2,4 milliards de dollars (5,7 % du PIB) à fin 2024. En termes de pauvreté et d'inégalités, près d'un Équatorien sur quatre vit en dessous du seuil de pauvreté et un sur dix vit dans la pauvreté extrême ; les taux d’inégalité n’ont pratiquement pas changé au cours des dix dernières années.
Conclusion

Pour conclure, les défis que doit relever Daniel Noboa pour ce nouveau mandat ne sont pas de petite taille... Si Luisa Gonzales a dénoncé une fraude lors des résultats des élections, le CNE a rejeté cette accusation. De même, l'Union européenne tout comme l'Organisation des États américains (OEA), notamment à travers son Rapport préliminaire de la Mission d'observation électorale de l'OEA en Équateur pour le deuxième tour des élections présidentielles[11], ne soutiennent pas les propos de González. L'OEA a formulé quelques recommandations dans le but d’améliorer le processus électoral du pays mais n'a observé aucune pratique antidémocratique qui aurait pu influencer les résultats des élections. Première victoire pour le président Noboa et la démocratie équatorienne !
[1] Nasheli Morelia Briceño Ontaneda, Victor Roberto Soto Lopes, et Daniela Gallardo Ledesma, « Estudio de la Construcción y Proyección de la Imagen de Daniel Noboa a la Presidencia del Ecuador en las Elecciones del 2023: Estrategias de la Comunicación política y su Impacto en la Opinión Pública en la Provincia de Loja », Revista Veritas de Difusão Científica 6, no 1 (20 mars 2025): 1508‑28, https://doi.org/10.61616/rvdc.v6i1.470.
[2] HERRERA, Staline et MACAROFF, Anahí. Daniel Noboa, le jeune président de l'Équateur. Analyse et débat, 2023, vol. 57, https://www.rosalux.org.ec/pdfs/Daniel-noboa-joven-presidente-del-ecuador.pdf
[3] MONTALVO, Daniel « L'Équateur enregistre les niveaux de criminalité, d'insécurité et de délinquance les plus élevés du continent » LAPOP Lab Vanderbilt University, consulté le 18 avril 2025, https://www.participacionciudadana.org/web/wp-content/uploads/2024/02/A1-Ecuador-registra-los-niveles-mas-altos-de-crimen.pdf
[4] « Preguntas Referéndum y Consulta Popular 2024 – Consejo Nacional Electoral – CNE Ecuador », consulté le 18 avril 2025, https://www.cne.gob.ec/consulta-popular-y-referendum-2024/.
[5] « Homicidios en Ecuador », OECO (blog), consulté le 18 avril 2025, https://oeco.padf.org/visualizador-de-datos-numero-de-homicidios/.
[6] La Commission Spéciale des Statistiques sur la Sécurité, la Justice, la Criminalité et la Transparence définit un homicide comme "la personne qui en tue une autre. Le fait de priver un homme ou une femme de la vie, en procédant avec volonté et malice, sans circonstances qui excusent ou légitiment, et sans constituer un meurtre." Instituto Nacional de Estadística y Censos, « Justicia y crimen », Instituto Nacional de Estadística y Censos, consulté le 19 avril 2025, https://www.ecuadorencifras.gob.ec/justicia-y-crimen/.
[7] Desfrançois, P., et Mayorga, T. (2022). Corruption en Équateur : une analyse économique. Revue colombienne des sciences administratives, 4 (2), 8-25 https://doi.org/ 1052948/rcca.v4i2.614
[8] « 2024 Corruption Perceptions Index - Explore Ecuador’s Results », Transparency.org, 11 février 2025, https://www.transparency.org/en/cpi/2024.
[9] Giordana García Sojo, « Cuánto dinero se lava en el sistema financiero ecuatoriano. Una aproximación desde las cifras macroeconómicas », CELAG (blog), 14 janvier 2023, https://www.celag.org/cuanto-dinero-se-lava-en-el-sistema-financiero-ecuatoriano-una-aproximacion-desde-las-cifras-macroeconomicas/.
[10] « Ecuador: panorama general », Text/HTML, World Bank, consulté le 18 avril 2025, https://www.bancomundial.org/es/country/ecuador/overview.
[11] « Deuxième tour présidentiel en Équateur 2025 Rapport préliminaire » Mission d’observation électorale de l’OEA, consulté le 18 avril 2025, https://www.oas.org/fpdb/press/2025_MOE_Ecuador_Segunda_Vuelta_Preliminar_ESP.pdf
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